ASINUS ASINUM FRICAT...
Landier rentre avec sa voiture dans une propriété dont le chemin d’accès est particulièrement boueux. Remarquablement éclairée par deux puissants projecteurs. Halogène, halogène ! Ils sont installés sur un gros véhicule tous terrains. De grandes flaques d’eau parsèment la cour, la plupart incontournables. Le fameux Mas Cachondo est une bâtisse assez longue, sept ou huit fenêtres en façade, mais pas d’étage. Landier pense que ce devait être une ferme qui a été aménagée en résidence, bien que les greniers semblent disparus. Au premier coup d’œil l’ensemble donne une impression assez cossue mais toutefois discrète, pas de tape-à-l’œil. Le petit jardin que l’on devine à gauche ressemble à une piscine. Au dessus de la porte d’entrée, une grande planche pyrogravée en lettres gothiques allemandes indique :
« AL MAS CACHONDO ».
Pas d’erreur. Barbenzinc est accueilli avec enthousiasme par une femme en jean et entre deux âges qui le fait entrer derechef dans la maison. Landier poireaute un petit moment. Il ne peut pas se tirer, car la valise et l’attaché-case de son passager sont restés dans la voiture. Dommage. Il commence à avoir une petite faim, son estomac émet des gargouillis caractéristiques et désagréables. Il voudrait bien s’en aller vers des cieux différents, puisque la pluie a cessé, et qu’il n’a rien à faire ici. Elle aurait pu avoir l’idée de s’arrêter plus tôt, cette andouille de pluie. A quelle heure va-t-il arriver ce soir ?
Au bout d’un temps indéterminé, qui lui paraît éternel, Barbenzinc et son hôtesse supposée réapparaissent, déterminés. Ils proposent à Landier de dîner avec eux ce soir, c’est la moindre des choses, ils s’arrangeront de la voiture demain matin. Landier est pris au dépourvu mais après avoir hésité, accepte, un peu gêné, sans enthousiasme. Il repartira vers Luchon sitôt le repas achevé. Il s’ennuie des Gargarismes, c’est évident.
Barbenzinc prend son barda et ils entrent tous les trois dans la maison. Dans la première pièce, Landier se débarrasse de son blouson trempé, l’accrochant à une superbe patère. Deux hommes l’accueillent et Barbenzinc fait les présentations.
Il présente le Vieux Con comme un chef d’établissement qui est devenu son sauveur, alors que, noyé sous des torrents d’eau de pluie, il désespérait d’arriver à destination ce soir. Trop poli pour être vrai. Ici tout le monde s’appelle par son nom, Coccoz, un petit gros presque chauve, qui travaille une certaine ressemblance avec Churchill, costume trois pièces nœud papillon le salue en faisant une astuce de bienvenue : « Les chefs d’établissement, à cheval entre l’administration et les professeurs, ont un statut équestre », et il se marre, le joyeux drille.
Landier se fend d’un sourire vaguement poli mais peu convaincu, il a déjà entendu ça une bonne centaine de fois, elle est aussi vieille que le boulot, il l’a casée lui-même à des nouveaux, avec un succès mitigé.
Le Coccoz en question est attaché de Préfecture dans la région du Nord. Avec lui, un nommé Landschal, grand sec visage taillé à coup de serpe blond grosses lunettes cravate à pois teint frais rosé gilet rouge costume noir, dont on affirme qu’il est conseiller médical d’une Académie de la région parisienne. Il est sérieux, lui, et n’apprécie que modérément l’astuce de son coéquipier. Pas son genre.
Ils se dirigent tous les cinq vers une salle, sise en contrebas. Il faut descendre quatre marches, pour y pénétrer et pousser une porte style western, à deux battants. Une grande, belle salle, occupée en majeure partie par une table rectangulaire, à l’allure impressionnante, en chêne massif. Cinq autres personnes sont debout, dont deux femmes, devisant gaiement. Une des deux nénettes est petite, grassouillette, pas terrible, regard mauvais.
L’autre est très grande et très maigre, sympathique de prime abord. La première, très maquillée, rappelle à Landier un vieux proverbe : « Femme fardée, ciel moutonné ne sont pas de longue durée ». La seconde, squelettique, évoque une pub, celle de «la gaine Lotus, qui vous écrase le plexus et qui tue les puces ».
Les mecs n’ont rien qui attire l’attention à priori : R.A.S., quelconques. Tous attendent patiemment. Un éclairage faiblard, par lampes délicatement voilées, donne une curieuse tonalité Terre de Sienne brûlée à cet ensemble. Au mur, une immense banderole est fixée. Elle affirme hardiment :
AM ANFANG
WAR SCHEIßE . . .
. . UND SCHEIßE
WAR GOTT ! !
Landier n’a jamais appris la langue de Goethe mais il pense que cette phrase doit être importante, car Scheiße est écrit en rouge vif, ce qui n’est pas habituel, à son avis. Tout en lettres gothiques, ce qui semble être une spécialité de la maison. Il est probable que ce local sert de lieu de réunion à une association destinée à rendre encore plus amicaux les rapports franco-allemands. Ce doit être un colloque entre responsables. C’est grâce à ce type d’initiatives que la nécessaire compréhension entre nos deux peuples progressera, et il est évident que la coordination est essentielle. Elle justifie des sacrifices.
En dessous de cette inscription flamboyante, le même dessin que celui du tableau du bureau de Marrage: le kanji " cho/intestin" et "ga/sujet". Tiens, tiens ...
Barbenzinc continue de faire les présentations : il y a du beau linge, ils ont tous des fonctions dans des organismes administratifs de niveau régional et, ensemble, couvrent un bon morceau de la France. Intéressant. Des huiles.
Après que tous se soient enquis de l’état de fatigue de Barbenzinc et du Vieux Con, Coccoz invite tous les présents à s’asseoir et commence un petit laïus.
- Il nous faut remercier Monsieur Landier d’avoir dépanné notre ami Daniel : sans lui cette soirée ne pourrait être celle dont nous avons tous rêvé. C’est pourquoi je vous propose de bien vouloir lui permettre d’assister à notre assemblée. Une autre raison, bien sûr, est le terrible événement qui nous a frappés voici quelques semaines : la disparition de notre amie et collaboratrice Madame Marrage, dans des circonstances qui n’ont toujours pas été éclaircies .
- Elle représentait parmi nous «la base », ceux qui, sur le terrain, mettent en œuvre la politique mûrement réfléchie et passionnément méditée lors de nos conciliabules. C’est dire combien son importance était réelle. Elle s’est acquittée de sa tâche avec un courage et une abnégation qui nous inspirent à tous la plus grande admiration. Je vous invite à respecter une minute de silence à sa mémoire .
Sitôt dit, sitôt fait. Coccoz, qui a, visiblement, l’habitude de mener ce genre de réunion, continue :
- Mais il nous faut penser à l’avenir, l’envisager avec sérénité et conviction, aussi je propose que Monsieur Landier la remplace dans ses fonctions dès maintenant, dès ce soir. Il importe d’être bien conscient, veux-je dire, du fait que nous nous engageons à l’aider dans sa tâche délicate entre toutes, il ne sera pas dit, oserais-je insister, que, confronté à des problèmes difficiles et à des oppositions vigoureuses, face à l’adversité qui le menacera lorsque, novateur hardi et inspiré, il proposera des solutions inédites, il persévère solitaire ! Nous serons avec lui sans réserve et sans restrictions! »
Des applaudissements nourris saluent, comme il se doit, cette péroraison enflammée qui, instantanément, a éveillé les âmes et qui, durablement, réchauffera les cœurs. L’ambiance est à la compréhension massive et à la communion totale. Une véritable onde de sympathie, qui fait trembler les abat-jour et vaciller les porte-crayons, submerge l’assistance. Landier est très ennuyé, car il se retrouve faire partie d’une Association dont il ne sait rien du tout. Il n’ose pas poser de questions, de peur de passer pour un gland.
Quant à l’hypothèse de l’amitié franco-allemande, elle semble s’avérer pour le moins douteuse. Coccoz continue :
- Nous allons maintenant faire le point de notre action. Je passe la parole à notre ami Landschal, homme de dossier s’il en est.
Landschal, comme un vieux comédien qu’il est, attend un instant pour ressaisir l’auditoire, l’avoir à sa pogne. Il regarde quelques papelards qu’il étale devant lui avec ostentation, pour montrer que c’est lui qui gère le dossier, et qu’il connaît la musique, il est un balèze du baratin, ça c’est sûr. Il prend la parole :
- La mission qui nous a été confiée par la Commission de Rationalisation des Choix Budgétaires il y a deux ans déjà s’énonce simplement : à partir du constat d’une évidence, à savoir que le nombre de cancers des intestins est en augmentation, préparer un plan d’attaque de longue haleine contre cette terrible maladie, plan destiné, fondamentalement, à utiliser puis développer les ressources actuelles de l’industrie française, dans tous les domaines possibles.
Landier a du mal à bien comprendre, mais il croit deviner qu’il s’agit de faire du pognon avec la maladie. Classique. « Nil novi sub sole ». Et même il n’y a pas longtemps, on en a entendu parler. Landschal reprend :
- Nous avons étudié la question d’une façon analytique et systématique, en explorant le maximum de secteurs: Madame Marrage était chargée de relancer les coprocultures. Si un nouvel essor pouvait être donné à ce secteur, il deviendrait porteur d’espoir pour les laboratoires spécialisés. Après les cuisiniers, on pourrait l’exiger de tous les personnels, puis des élèves absents. Le chiffre d’affaires de cette branche prometteuse grimperait à toute vitesse vers des sommets vertigineux. Mais elle n’a pas su lancer le projet. Il fallait s’assurer la collaboration de l’intendante en lui proposant de l’argent. Qui aurait refusé de collaborer dans ces conditions ? Au lieu de cela, elle lui a imposé un parcours administratif difficile, parcours du combattant en quelque sorte. Le résultat est un échec cuisant. Il serait intéressant, cher Monsieur Landier, que vous tentiez de nouveau cette démarche. Avec votre expérience et votre doigté bien connus, vous devriez réussir.
Landier est un peu surpris, il répond après un instant de réflexion :
- Je ne suis pas opposé. Mais je tiens à préciser que l’Education Nationale n’a pas signé les conventions qui engagent le secteur privé en ce qui concerne les visites médicales annuelles. Par exemple je n’ai pas «subi » une semblable revue de détail depuis plus de trente ans. Cette observation est valable pour toutes les catégories de personnel, cuisiniers et professeurs y compris dont la santé ne préoccupe guère les responsables. Dans mon esprit, il faut d’abord relancer la demande de visites médicales systématiques, et ensuite, dans ce cadre, en profiter pour obtenir des analyses spécifiques comme ces coprocultures.
Il n’est pas évident que le point de vue de Landier emporte l’adhésion des autres participants, mais ils ne manifestent pas une opposition radicale, sans pour autant, faire preuve d’un enthousiasme délirant. Il remarque quelques sourires entendus, quelques regards surpris. Dans l’ensemble, ils s’en foutent.
Landschal continue :
- Le deuxième temps fort de notre action devrait permettre de développer un autre secteur d’activités riche en potentialités : les examens coloscopiques. De même que l’œil est la fenêtre ouverte sur le cerveau et que le Fond d’œil fournit des informations fondamentales, l’anus est la fenêtre ouverte sur le tube digestif et toutes les observations faites par cette voie sont primordiales. Les éléments d’un sondage en notre possession indiquent toutefois une certaine réticence du public à l’égard de cette démarche, pourtant très intéressante. Il paraît évident qu’une certaine éducation dans ce domaine est absolument indispensable. Une expérience a été tentée en Ukraine voici quelques années, dont il appert clairement qu’il est important de préparer le terrain.
De fait, il convient d’habituer l’être humain, dès le plus jeune âge, au toucher Rectal. Ainsi, il ne sera pas surpris lorsque, fatigué et vieillissant, souffrant de mille maux d’origines incertaines, il sera obligé d’avoir recours à cet examen aux fins de diagnostic.
L'assistance est subjuguée par les paroles de l'animateur. Ils savent tous que le niveau de crétinisme des dirigeants français atteint des sommets inespérés par les grandes banques, qui peuvent ainsi dicter leur loi en toute tranquillité, mais l'orateur ne joue pas du pipeau, il est d'une classe supérieure, il joue du saxo. Serait-il le grand Mufti qui inspire Barbenzinc le poète? Invérifiable dans les circonstances actuelles. Il poursuit :
- Nous avons mis au point, en commission, le parcours de santé type du citoyen de l’an 2020 :
1°) De la naissance à l’adolescence :
Toucher rectal occasionnel, à caractère éducatif, devenant systématique lors des visites médicales obligatoires dans le cadre institutionnel : école ou pratique sportive. Il semble, en effet, entre autres, qu’une détection du dopage puisse être envisagée par cette voie. Coprocultures éventuelles, en cas de problèmes spécifiques.
2°) Coloscopie et coproculture pendant le Service National : indispensable pour le bilan de Santé de la Nation, cet Observatoire incontournable et précieux que nous essaierons de sauvegarder par tous les moyens.
3°) A partir de ce moment, toucher rectal systématique à chaque visite médicale, quel qu’en soit le motif. Coloscopie et coproculture trimestrielles obligatoires pour tous. De nombreuses créations d’emplois sont à prévoir dans ce secteur qui connaîtra une véritable expansion.
L’utilisation de ces techniques permettra de construire une base de données nationale. Compte tenu de l’évolution dramatique de la qualité de la nourriture et de l’augmentation de la population mondiale, seuls les plus pauvres, qui ont l'habitude de se nourrir des poubelles, résisteront, sélection naturelle oblige. Personne, parmi les responsables actuels ne peut envisager sans être glacé de terreur la Grande Menace dont le spectre se profile à l'horizon :" le 3 ème millénaire sera-t-il celui de la Revanche des Prolétaires, seuls survivants de la catastrophe écolo-démographique ? Non ! La nourriture délectable étant désormais parsemée de résidus toxiques difficiles à éliminer, il faudra produire en grandes quantités des Anus Artificiels pour en pourvoir tous ceux qui, grâce à leur aisance financière, se sont fragilisés en dégustant des mets délicieux arrosés de savoureux nectars. Certes, cela ne suffira pas pour permettre à nos dominants de survivre, aussi les Allemands prévoient l’installation de véritables reins supplémentaires chez nos Seigneurs adorés. La solution semble là, identique à celle adoptée pour les voitures, dont on change de plus en plus fréquemment les pots d'échappement et que l'on munit de filtres divers (air, huile, essence, etc ...). L’état actuel de nos travaux ne nous permet pas, hélas, d’affiner plus en détail dans le temps notre schéma de lutte contre cette dramatique éventualité, mais vous pouvez être sûrs que sa mise au point mobilise toute notre énergie.
Notre plan, dont le caractère prévisionnel est évident, ne nécessitera pas de modifications fondamentales pour être généralisable au monde entier, et ce rapidement, en réponse à l'attente anxieuse de tous les dirigeants. Nous avons d'ores et déjà dans le pays l'appui des responsables politiques de toutes tendances, avec lesquels nous avons convenu secrètement que tous les maires, conseillers généraux, régionaux, députés, etc... auront droit à un Anus Artificiel gratuit. En cas de double casquette, le cadeau d'un rein allemand sera envisagé. Un débat bidon aura lieu, (questions stupides/réponses idiotes), l'opposition semblera s'opposer grâce à des arguments sans valeur, les apparences seront sauves. Nous verrons ensuite pour l'attribution aux grands responsables de véritables tubes digestifs de rechange, qui en sont actuellement au stade expérimental. Vous saisissez, j'en suis certain, l'importance de nos recherches pour la survie de l'ordre social actuel et surtout pour le bonheur de nos chefs bien-aimés. Dépisté par les touchers rectaux, les coprocultures et les coloscopies, neutralisé d'abord par les anus artificiels, puis anéanti par les filtres, le cancer des intestins n'a plus qu'à bien se tenir ! Son âge d'or s'achève et ses jours sont comptés !
Vous en savez maintenant autant que moi-même sur l’état d’avancement de nos travaux. Je vous remercie de m’avoir écouté, j’attends vos observations et remarques éventuelles, dont je tiendrai, bien sûr, le plus grand compte.
L’assistance, béate, apprécie à sa juste valeur la sollicitude dont fait preuve l’orateur vis à vis des dirigeants de ce monde : ils pourront enfin , sans risques, continuer à se régaler de petits plats raffinés, cependant que les «peuplades inférieures » de nos aïeux se repaîtront avec délices de nos détritus et autres immondices, tout heureux d’assurer ainsi la survie de la race humaine authentique. Beati pauperes ...
Landier est quelque peu perplexe : ce plan de lutte contre le cancer lui semble comporter de nombreuses zones crépusculaires. Mais il attend et personne ne fait d’objections ni de remarques, il ne va pas semer la zizanie dans une si docte Assemblée. Les médecins seront d’accord avec ce plan, les industries aussi, et les spécialistes en coloscopie ou coprocultures ne risquent pas d’y être opposés . Ce que vont en penser les patients n’est pas un problème.
C’est vrai que la bouffe n’est plus ce qu’elle était, et qu'elle sera de plus en plus élaborée à partir de nos excréments, mais ce plan est un peu dirigé vers une région sensible de l’individu et le Vieux Con en est un peu gêné, car il est persuadé qu’il y a d’autres pistes pour la recherche. Se pose aussi le problème de la formation : après le passage quotidien d’une vingtaine d’étudiants débutants, le patient aura rapidement besoin d’un appareil artificiel. On va créer le besoin. Commercialement efficace, mais bizarre quand même.
Landier est saisi par l'inquiétude lorsqu'il s'aperçoit que Barbenzinc, dont les paupières, lubrifiées par l'émotion qu'a suscité l'homélie, cillent à grande vitesse, risque de composer un nouveau "poème" ésotérique. Heureusement, il se contient. Fausse alerte. Deo gratias.
Sur ces fortes paroles, Coccoz et Landschal invitent Landier à se tenir devant une petite cheminée, à laquelle il n'avait pas prêté attention. Les autres se disposent en demi-cercle, se tenant par le petit doigt, comme les Bretons un soir de Fest-Noz. Puis ils s'agitent tout en fredonnant une mélopée lancinante et énigmatique. Interloqué, Landier réfléchit : lorsque, de concert avec son adjointe, Mme Buoc'h, ils travaillent à l'emploi du temps et qu'elle découvre une solution à un problème difficile, elle chantonne parfois ainsi.
Landier, agacé par ces vocalises déconcertantes l'ayant questionnée à ce sujet, elle lui avait révélé, sous le sceau du secret, qu'il s'agissait du chant de guerre des villageois de Kersaout, encore utilisé de nos jours pour lutter contre les invasions d'administratifs malfaisants et autres sbires patibulaires, exécutants empressés de la tyrannie séculaire orchestrée par le Grand Capital. Comment est-il connu de cette association ? Les voies de l’information circulante sont souvent obscures.
Puis Coccoz proclame, sous les applaudissements de l'assistance, Landier membre de l'E.F.S,à savoir l'Ecole Française de Scatologie et l'on remet à Landier un tableau identique à celui du bureau de Marrage, signe de reconnaissance de cette Ecole. Landier ne dit rien, ne manifeste aucune émotion particulière mais la clarté jaillit dans son esprit.
Et aussitôt tout le monde se dirige vers un petit buffet, à l’allure sympathique. Il est particulièrement simplifié. Des Glaouis en brochettes et du vin blanc à boire. Quelques «hot-dog» au milieu, pains garnis de morceaux de chien chaud bien curieusement sélectionnés. Pas de tripoux.
Enfin on s’assoit, par petits groupes, pour causer. Landier s’écarte un peu, il ne tient pas à trop se mêler à ces individus. Il a l’intention de digérer quelques minutes, puis de repartir, les Gargarismes sont au bout du chemin, qui l’attendent impatiemment, du moins l’espère-t-il. Il ne prête guère attention à ce qui se dit, il se doutait bien d’une blague, d’accord, il a marché ,encore que ...le projet existe bel et bien et pourrait inspirer bien des technocrates en mal de créativité, car il tient debout.
Il s’agit d’une bande de copains qui ont trouvé cette astuce pour s’amuser un brin. Apparemment la célèbre Madame Marrage n’avait pas bien compris...
Cependant qu’ils picolent pour arroser le bizutage du Vieux Con deux invités s’isolent : un homme et une femme. Ils s’installent sur une chaise dans une posture bizarre, un préliminaire érotique, probablement. Landier se détourne, quelque peu gêné.
Il discute quelques instants avec Landschal, rééditant son offre concernant la visite médicale des personnels de l’Education Nationale.
L’autre acquiesce et rigole, car le cuistot devrait, selon lui, avoir un statut spécial en ce qui concerne les divers examens. Pour lui, ce serait tous les jours... En cela, l’Association suivrait les directives du « Back Orifice of the Crazy Cow Fan Club », son homologue anglaise.
Le Vieux Con sourit, et laisse tomber. L’ambiance se détend.
Coccoz vient le voir, le félicite d’avoir bien résisté au bizutage, et le prenant par le bras, lui montre les deux qui se sont isolés, à peine d’ailleurs, en tout cas ils ne sont pas gênés. Il explique à Landier :
- Observez bien notre ami : je crois observer dans ses gestes délicats une subtile alternance Toucher Vaginal/Toucher Rectal : selon moi, il s’agit du terrible TV / TR, " L'ARME FATALE ", fourbie allègrement par les coloniaux dépravés et minutieusement peaufinée par les gynécologues en rut ! » Et son œil paillard s’allume, insatiable qu’il est de sensations lubriques et de gestes obscènes. Le sourire goguenard qui l’accompagne renforce de plus en plus l’impression perverse que donne ce visage porcin ...
Le Vieux Con en a assez de toutes ces histoires. Il n’est pas pudibond, mais trop c’est trop, le voyeurisme n’est pas sa tasse de thé. Il n’a pas l’intention de traîner ici. Après avoir uriné consciencieusement, il partira retrouver les Gargarismes. Leur patience est infinie, mais ce n’est pas une raison pour abuser….
Il se lève, Landschal a compris son désir et lui fait un signe indiquant la direction des ouatères. Landier pose son "tableau", sort de la pièce et va dans le couloir. Ce n’est pas la première porte, il continue.
Il finit par trouver le lieu adéquat, idoine et ad hoc, se soulage joyeusement. Il sort et s’aperçoit qu’une autre porte est entrouverte, tout à côté. Une petite lumière l’éclaire faiblement. La curiosité du Vieux Con est excitée et il pénètre précautionneusement, regardant partout. Signe des temps, un ordinateur est allumé, qui débite, infatigable, impassible, son message sibyllin :
« Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat. »
Cette phrase lui rappelle quelque chose, il cherche dans sa mémoire, puis regarde tout autour de lui : la chambre est jaune, c’est vrai. Il hésite un moment, se décide enfin : il va essayer de jouer les Rouletabille pour en découvrir le mystère, que contient probablement cette bécane.
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D. 2002